EUR-Lex Access to European Union law

Back to EUR-Lex homepage

This document is an excerpt from the EUR-Lex website

Document 62022CO0416

Order of the Court (Tenth Chamber) of 19 July 2023.
EDP - Energias de Portugal, SA v Autoridade Tributária e Aduaneira.
Request for a preliminary ruling from the Tribunal Arbitral Tributário (Centro de Arbitragem Administrativa - CAAD).
Reference for a preliminary ruling – Article 99 of the Rules of Procedure of the Court of Justice – Answer which may be clearly deduced from existing case-law – Directive 2008/7/EC – Article 5(2) – Indirect taxes on the raising of capital – Stamp duty on services relating to the placement on the market of bonds, public offers for subscription of shares and offers to repurchase bonds.
Case C-416/22.

ECLI identifier: ECLI:EU:C:2023:604

ORDONNANCE DE LA COUR (dixième chambre)

19 juillet 2023 (*)

« Renvoi préjudiciel – Article 99 du règlement de procédure de la Cour – Réponse pouvant être clairement déduite de la jurisprudence –Directive 2008/7/CE – Article 5, paragraphe 2 – Impôts indirects frappant les rassemblements de capitaux – Droit de timbre frappant les services de placement d’obligations, d’offres publiques de souscription d’actions et d’offres de rachat d’obligations sur le marché »

Dans l’affaire C‑416/22,

ayant pour objet une demande de décision préjudicielle au titre de l’article 267 TFUE, introduite par le Tribunal Arbitral Tributário (Centro de Arbitragem Administrativa – CAAD) [tribunal arbitral en matière fiscale (centre d’arbitrage administratif – CAAD), Portugal], par décision du 20 juin 2022, parvenue à la Cour le 21 juin 2022, dans la procédure

EDP – Energias de Portugal SA

contre

Autoridade Tributária e Aduaneira,

LA COUR (dixième chambre),

composée de M. D. Gratsias (rapporteur), président de chambre, MM. M. Ilešič et I. Jarukaitis, juges,

avocat général : M. G. Pitruzzella,

greffier : M. A. Calot Escobar,

vu la procédure écrite,

considérant les observations présentées :

–        pour EDP – Energias de Portugal SA, par Mes I. Salema et B. Santiago, advogados,

–        pour le gouvernement portugais, par Mmes P. Barros da Costa, H. Gomes Magno, A. Pimenta et A. Rodrigues, en qualité d’agents,

–        pour la Commission européenne, par MM. P. Caro de Sousa et W. Roels, en qualité d’agents,

vu la décision prise, l’avocat général entendu, de statuer par voie d’ordonnance motivée, conformément à l’article 99 du règlement de procédure de la Cour,

rend la présente

Ordonnance

1        La demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation de l’article 5, paragraphe 2, sous b), de la directive 2008/7/CE du Conseil, du 12 février 2008, concernant les impôts indirects frappant les rassemblements de capitaux (JO 2008, L 46 p. 11).

2        Cette demande a été présentée dans le cadre d’un litige opposant EDP – Energias de Portugal SA (ci-après « EDP ») à l’Autoridade Tributária e Aduaneira (autorité fiscale et douanière, Portugal) au sujet de l’imposition d’un droit de timbre frappant les services de placement sur le marché d’obligations, d’actions et d’offres de rachat d’obligations.

 Le cadre juridique

 Le droit de l’Union

3        Les considérants 1 à 3 et 9 de la directive 2008/7 se lisent comme suit :

« (1)      La directive 69/335/CEE du Conseil, du 17 juillet 1969, concernant les impôts indirects frappant les rassemblements de capitaux [(JO 1969, L 249, p. 25),] a été modifiée à plusieurs reprises et de façon substantielle [...]. À l’occasion de nouvelles modifications, il convient, dans un souci de clarté, de procéder à la refonte de ladite directive.

(2)      Les impôts indirects qui frappent les rassemblements de capitaux, à savoir le droit d’apport (droit auquel sont soumis les apports en société), le droit de timbre sur les titres et le droit exigible sur les opérations de restructuration, que ces opérations s’accompagnent ou non d’une augmentation de capital, donnent naissance à des discriminations, à des doubles impositions et à des disparités qui entravent la libre circulation des capitaux. Il en va de même en ce qui concerne les autres impôts indirects présentant les mêmes caractéristiques que le droit d’apport ou le droit de timbre sur les titres.

(3)      Par conséquent, il y a lieu, pour garantir le bon fonctionnement du marché intérieur, d’harmoniser les législations relatives aux impôts indirects frappant les rassemblements de capitaux en vue d’éliminer, dans toute la mesure du possible, les facteurs qui sont susceptibles de fausser les conditions de concurrence ou d’entraver la libre circulation des capitaux.

[...]

(9)      Il y a lieu qu’aucun impôt indirect ne soit perçu sur les rassemblements de capitaux en dehors du droit d’apport. En particulier, aucun droit de timbre ne devrait être perçu sur les titres, que ceux-ci soient représentatifs des capitaux propres de sociétés ou de capitaux d’emprunt, et quelle que soit leur provenance. »

4        L’article 1er de cette directive, intitulé « Objet », prévoit :

« La présente directive réglemente la perception d’impôts indirects :

a)      sur les apports aux sociétés de capitaux ;

b)      sur les opérations de restructuration de sociétés de capitaux ;

c)      sur l’émission de certains titres et obligations. »

5        L’article 2 de ladite directive, intitulé « Société de capitaux », dispose, à son paragraphe 1, sous a) :

« Aux fins de la présente directive, on entend par “société de capitaux” :

a)      toute société revêtant une des formes énumérées à l’annexe I ».

6        Sous le point 22, l’annexe I de la même directive se réfère, notamment, à la société anonyme (sociedade anónima) de droit portugais.

7        L’article 5 de la directive 2008/7, intitulé « Opérations non soumises à la fiscalité indirecte », est libellé comme suit, à son paragraphe 2 :

« Les États membres ne soumettent à aucune imposition indirecte, sous quelque forme que ce soit :

a)      la création, l’émission, l’admission en Bourse, la mise en circulation ou la négociation d’actions, de parts ou autres titres de même nature, ainsi que de certificats représentatifs de ces titres, quel qu’en soit l’émetteur ;

b)      les emprunts, y compris les rentes, contractés sous forme d’émission d’obligations ou autres titres négociables, quel qu’en soit l’émetteur, et toutes les formalités y afférentes, ainsi que la création, l’émission, l’admission en Bourse, la mise en circulation ou la négociation de ces obligations ou autres titres négociables. »

8        Aux termes de l’article 6 de cette directive, intitulé « Droits et taxe sur la valeur ajoutée » :

« 1.      Nonobstant l’article 5, les États membres peuvent percevoir les droits et taxes suivants :

a)      taxes sur la transmission des valeurs mobilières, perçues forfaitairement ou non ;

[...] »

 Le droit portugais

9        L’article 1er, point 1, du Código do Imposto do Selo (code du droit de timbre) prévoit :

« Le droit de timbre est perçu sur tous les actes, contrats, documents, titres, papiers et autres faits ou situations juridiques prévus au Tabela Geral do Imposto do Selo [(tarif général relatif au droit de timbre)], y compris les transferts de biens à titre gratuit. »

10      Le tarif général relatif au droit de timbre, figurant à l’annexe de ce code, comprend une rubrique 17, relative aux opérations financières, qui est libellée comme suit :

« 17 – Opérations financières :

[...]

17.3 – Opérations effectuées par ou avec l’intermédiation d’institutions de crédit, de sociétés financières ou d’autres entités qui leur sont juridiquement équivalentes, et de toute autre institution financière – sur le montant facturé :

[...]

17.3.4 – Autres commissions et contreparties pour les services financiers, y compris les commissions pour les opérations de paiement liées à une carte – [taux du droit de timbre :] 4 % ».

 Le litige au principal et les questions préjudicielles

11      EDP est une société anonyme portugaise ayant pour objet la promotion, la stimulation et la gestion de projets ainsi que d’activités énergétiques, en vue d’accroître et d’améliorer le développement de l’ensemble des sociétés du groupe auquel elle appartient.

12      Durant les années 2019 et 2020, EDP a supporté un droit de timbre calculé sur le montant des commissions dues à des établissements de crédit portugais et étrangers au titre d’une série de services d’intermédiation financière. Il s’agissait, en particulier, de services relatifs, premièrement, à des offres de rachat en espèces d’obligations émises par EDP et d’achat d’obligations émises par une autre société du même groupe, deuxièmement, au placement sur le marché et à la souscription de nouvelles obligations et, troisièmement, au placement sur le marché et à la souscription de nouvelles actions aux fins d’une augmentation du capital social.

13      Le Tribunal Arbitral Tributário (Centro de Arbitragem Administrativa – CAAD) [tribunal arbitral en matière fiscale (centre d’arbitrage administratif – CAAD), Portugal], la juridiction de renvoi, précise que les offres de rachat et d’achat des obligations avaient pour finalité d’optimiser le portefeuille d’engagements d’EDP en remboursant des obligations à taux d’intérêt élevé et d’accroître la maturité moyenne de sa dette en utilisant des liquidités disponibles afin de réduire le montant de la dette brute. Les services d’intermédiation relatifs au rachat et à l’achat des obligations en question ont porté sur l’identification et la prise de contact avec les titulaires de ces obligations, la réponse à leurs éventuelles questions et l’assistance à EDP pour déterminer le prix des offres et s’il y avait lieu de procéder à l’extension, la réouverture, la modification ou la clôture de ces offres.

14      S’agissant du placement sur le marché et de la souscription de nouvelles obligations, les services d’intermédiation en cause au principal ont porté sur des actions de prospection du marché en vue d’identifier des acheteurs potentiels pour la souscription partielle ou totale des obligations émises, les établissements de crédit, prestataires de ces services, pouvant également acheter les obligations concernées. Ainsi, les services en question incluaient l’aide à la détermination du prix de l’émission et au placement sur le marché des obligations, l’identification et le contact avec les souscripteurs potentiels, les réponses à leurs questions et la négociation en vue de la souscription.

15      S’agissant de la souscription de nouvelles actions aux fins d’une augmentation du capital social d’EDP, les services d’intermédiation en cause au principal ont, de manière similaire, porté sur la détermination du prix auquel les actions devaient être offertes au public, l’identification et le contact avec les souscripteurs potentiels, la réponse à leurs questions et la négociation en vue de la souscription.

16      Au titre des commissions dues pour les services d’intermédiation en cause au principal, EDP a versé aux établissements de crédit prestataires 34 578 440,50 euros, majorés d’un montant de 1 383 137,62 euros au titre du droit de timbre correspondant.

17      Estimant que ce droit n’était pas dû sur ces commissions de placement, EDP a introduit un recours gracieux contre cette imposition auprès de la Divisão de Serviço Central da Unidade dos Grandes Contribuintes (division du service central de l’unité des grands contribuables, Portugal).

18      Ce recours ayant été rejeté, EDP a saisi la juridiction de renvoi, en sollicitant notamment l’annulation des actes de liquidation du droit de timbre en cause au principal. À l’appui de sa demande, EDP soulève un moyen tiré de la violation de l’article 5, paragraphe 2, de la directive 2008/7.

19      La juridiction de renvoi indique que, si, certes, l’article 5, paragraphe 2, de la directive 2008/7 interdit l’imposition des opérations d’émission de titres négociables émis par les sociétés elles-mêmes ou par des tiers, il existe encore des doutes s’agissant de la portée des notions d’« opération globale au regard du rassemblement de capitaux » et de « formalités y afférentes », au sens de cette disposition.

20      Dans ces conditions, le Tribunal Arbitral Tributário (Centro de Arbitragem Administrativa – CAAD) [tribunal arbitral en matière fiscale (centre d’arbitrage administratif – CAAD)] a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour les questions préjudicielles suivantes :

« 1)      Les opérations d’(i) offre d’achat en espèces d’obligations, (ii) d’émission d’obligations et (iii) d’offre publique de souscription d’actions doivent-elles être considérées comme des “opérations globales” au sens de la jurisprudence de la [Cour] résultant des affaires [C‑299/13], Gielen et [C‑573/16], Air Berlin ?

2)      L’expression [“]formalités y afférentes[”], qui figure à l’article 5, paragraphe 2, sous b), de la directive [2008/7], doit-elle être interprétée en ce sens qu’elle inclut les services d’intermédiation financière souscrits accessoirement aux opérations (i) d’offre d’achat en espèces d’obligations, (ii) d’émission d’obligations et (iii) d’offre publique de souscription d’actions ?

3)      L’article 5, paragraphe 2, sous b), de la directive [2008/7] peut-il être interprété en ce sens qu’il s’oppose à la soumission au droit de timbre de commissions perçues au titre de services d’intermédiation financière, fournis par une banque et relatifs (i) au rachat d’instruments de dette, (ii) à l’émission et à la mise sur le marché de titres négociables et (iii) à l’augmentation de capital par souscription publique des actions émises, ces services comprenant l’obligation d’identifier et de contacter les investisseurs, afin de distribuer les valeurs mobilières, de recevoir les ordres de souscription ou d’achat et, dans certains cas, d’acheter les valeurs mobilières faisant l’objet de l’offre ?

4)      La réponse aux questions énoncées aux points précédents est-elle différente selon que la prestation des services financiers est requise légalement ou est optionnelle ? »

 Sur les questions préjudicielles

21      En vertu de l’article 99 de son règlement de procédure, la Cour peut, notamment lorsqu’une réponse à une question posée à titre préjudiciel peut être clairement déduite de la jurisprudence, décider, à tout moment, sur proposition du juge rapporteur, l’avocat général entendu, de statuer par voie d’ordonnance motivée.

22      Il y a lieu de faire application de cette disposition dans la présente affaire.

23      Par ses quatre questions, qu’il y a lieu d’examiner ensemble, la juridiction de renvoi demande, en substance, si l’article 5, paragraphe 2, de la directive 2008/7 doit être interprété en ce sens qu’il s’oppose à une réglementation nationale qui prévoit l’imposition d’un droit de timbre sur la rémunération qu’une société de capitaux verse à plusieurs établissements bancaires auxquels elle a confié des services d’intermédiation financière aux fins, premièrement, de la publication d’offres de rachat d’obligations, deuxièmement, du placement sur le marché et de la souscription de nouvelles obligations et, troisièmement, de la souscription de nouvelles actions en vue d’une augmentation de son capital social.

24      À titre liminaire, il convient de relever que, en tant que société anonyme, EDP relève de la notion de « sociétés de capitaux », au sens de l’article 2, paragraphe 1, sous a), de la directive 2008/7. Elle relève, par conséquent, du champ d’application de cette directive.

25      Ainsi que l’indique son considérant 9, ladite directive a pour objet d’exclure toute imposition indirecte sur les rassemblements de capitaux en dehors du droit d’apport. Le même considérant précise que, en particulier, aucun droit de timbre ne devrait être perçu sur les titres, que ceux-ci soient représentatifs des capitaux propres de sociétés ou de capitaux d’emprunt, et quelle que soit leur provenance.

26      Dans ce cadre, d’une part, l’article 5, paragraphe 2, sous a), de la directive 2008/7, disposition pertinente, conformément à son libellé, s’agissant des services d’intermédiation financière concernant la souscription de nouvelles actions aux fins d’une augmentation du capital d’une société de capitaux, interdit aux États membres de soumettre à une imposition indirecte, sous quelque forme que ce soit, la création, l’émission, l’admission en Bourse, la mise en circulation ou la négociation d’actions, de parts ou d’autres titres de même nature, ainsi que de certificats représentatifs de ces titres, quel qu’en soit l’émetteur.

27      D’autre part, l’article 5, paragraphe 2, sous b), de la directive 2008/7, disposition pertinente, conformément à son libellé, s’agissant des services d’intermédiation financière concernant la souscription de nouvelles obligations ainsi que le rachat d’obligations émises antérieurement par une société de capitaux, interdit l’imposition indirecte, sous quelque forme que ce soit, des emprunts contractés sous forme d’émission d’obligations ou autres titres négociables, quel qu’en soit l’émetteur, et toutes les formalités y afférentes, ainsi que la création, l’émission, l’admission en Bourse, la mise en circulation ou la négociation de ces obligations ou autres titres négociables.

28      À cet égard, compte tenu des interrogations de la juridiction de renvoi, il convient de relever d’emblée que la notion de « formalités y afférentes », qui doivent être exonérées de toute imposition indirecte, vise les éventuelles actions qu’une société de capitaux est, en vertu de la législation nationale, obligée d’entreprendre afin de procéder à la création, à l’émission, à l’admission en Bourse, à la mise en circulation ou à la négociation des titres négociables concernés (voir, en ce sens, arrêts du 27 octobre 1998, FECSA et ACESA, C‑31/97 et C‑32/97, EU:C:1998:508, points 21 et 22, ainsi que, par analogie, du 28 juin 2007, Albert Reiss Beteiligungsgesellschaft, C‑466/03, EU:C:2007:385, points 52 à 54 et jurisprudence citée).

29      Toutefois, des services d’intermédiation financière tels que ceux en cause au principal se rattachent à la substance des opérations de rassemblement de capitaux, si bien qu’ils ne relèvent pas des « formalités » visées à l’article 5, paragraphe 2, sous b), de la directive 2008/7.

30      Cela étant, conformément à la jurisprudence constante de la Cour, l’article 5 de la directive 2008/7 doit, eu égard à l’objectif poursuivi par celle-ci, faire l’objet d’une interprétation large, afin d’éviter que les interdictions qu’il prévoit ne soient privées d’effet utile. Ainsi, l’interdiction d’une imposition des opérations de rassemblement de capitaux s’applique également aux opérations non expressément visées par cette interdiction lorsqu’une telle imposition revient à taxer une opération faisant partie intégrante d’une opération globale au regard d’un rassemblement de capitaux (arrêt du 22 décembre 2022, IM Gestão de Ativos e.a., C‑656/21, EU:C:2022:1024, point 28 ainsi que jurisprudence citée).

31      Ainsi, il résulte déjà, en substance, de la jurisprudence de la Cour que, dès lors qu’une émission de titres négociables n’a de sens qu’à partir du moment où ces titres trouvent des acquéreurs, une taxe frappant la première acquisition d’un titre nouvellement émis frappe en réalité l’émission elle-même de ce titre en tant qu’elle fait partie intégrante d’une opération globale au regard d’un rassemblement de capitaux. L’objectif de préserver l’effet utile de l’article 5, paragraphe 2, sous a) et b), de la directive 2008/7 implique, dès lors, que l’« émission », au sens de cette disposition, inclue la première acquisition de titres s’effectuant dans le cadre de l’émission de ceux-ci (voir, en ce sens, arrêt du 22 décembre 2022, IM Gestão de Ativos e.a., C‑656/21, EU:C:2022:1024, point 29 ainsi que jurisprudence citée).

32      Dans ce contexte, la Cour a considéré que le transfert de propriété juridique d’actions, requis par le droit national, aux seules fins d’une opération d’admission de ces actions en Bourse et sans conséquence sur la propriété effective de celles-ci, doit être regardé comme étant seulement une opération accessoire, intégrée à cette opération d’admission, qui, conformément à l’article 5, paragraphe 2, sous a), de la directive 2008/7, ne peut être soumise à aucune imposition, sous quelque forme que ce soit (voir, par analogie, arrêt du 19 octobre 2017, Air Berlin, C‑573/16, EU:C:2017:772, point 36).

33      De même, la Cour a déjà précisé que l’article 11, sous b), de la directive 69/335, disposition dont le contenu était identique à celle de l’article 5, paragraphe 2, sous b), de la directive 2008/7, laquelle a abrogé la directive 69/335, devait être interprété en ce sens que l’interdiction de soumettre un emprunt obligataire à l’impôt s’oppose également à l’imposition de toutes les formalités y afférentes, y compris l’acte notarié obligatoire pour faire enregistrer le remboursement d’un tel emprunt (voir, en ce sens, arrêt du 27 octobre 1998, FECSA et ACESA, C‑31/97 et C‑32/97, EU:C:1998:508, points 19, 21 et 22).

34      Or, dès lors que les services de placement sur le marché de nouvelles actions aux fins d’une augmentation du capital social ou de nouvelles obligations présentent, à l’instar des opérations et formalités visées par la jurisprudence rappelée aux points 31 à 33 de la présente ordonnance, un lien étroit avec les opérations d’émission et de mise en circulation desdits titres, au sens de l’article 5, paragraphe 2, sous a) et b), de la directive 2008/7, ils doivent être considérés comme faisant partie intégrante d’une opération globale au regard du rassemblement de capitaux en cause (voir, par analogie, arrêt du 22 décembre 2022, IM Gestão de Ativos e.a., C‑656/21, EU:C:2022:1024, point 31).

35      Par conséquent, le fait de faire connaître auprès du public une offre de titres négociables tels que des actions et des obligations, d’identifier et de contacter des acheteurs potentiels, de répondre à leurs questions et de négocier avec eux ou, à défaut, d’acheter de tels titres pour son propre compte constitue une démarche commerciale nécessaire et qui, à ce titre, doit être regardée comme étant une opération accessoire, intégrée à l’opération d’émission et de mise en circulation desdits titres (voir, par analogie, arrêt du 22 décembre 2022, IM Gestão de Ativos e.a., C‑656/21, EU:C:2022:1024, point 33).

36      Il en est de même du rachat d’obligations émises antérieurement à condition que ledit rachat équivaille au remboursement de l’emprunt contracté sous forme d’émission d’obligations. En effet, interdire la perception d’un impôt lors de l’émission d’un emprunt obligataire mais l’autoriser lors du remboursement d’un tel emprunt aurait pour conséquence, contrairement à l’objectif poursuivi par la directive 2008/7, d’imposer l’emprunt en tant qu’opération globale pour le rassemblement de capitaux (voir, par analogie, arrêt du 27 octobre 1998, FECSA et ACESA, C‑31/97 et C‑32/97, EU:C:1998:508, point 18).

37      En revanche, le fait pour une société appartenant à un groupe de sociétés d’acheter, auprès du public, des obligations émises par une autre société du même groupe aux seules fins de modifier l’identité du créancier, et donc sans que cet achat entraîne l’extinction de la dette incorporée dans les obligations concernées, constitue une transmission de valeurs mobilières qui peut être frappée de taxes conformément à l’article 6, paragraphe 1, sous a), de la directive 2008/7.

38      En l’occurrence, la juridiction de renvoi indique que les obligations en cause au principal ayant fait l’objet d’offres de rachat ou d’achat de la part d’EDP ont été, pour partie, émises par cette dernière et, pour partie, émises par EDP Finance BV, une autre société appartenant au même groupe.

39      À cet égard, la juridiction de renvoi précise que le rachat par EDP des obligations qu’elle a elle-même émises a été effectué dans le but de réduire le coût de l’endettement de cette société, notamment en permettant le rachat d’obligations émises antérieurement et qui représentaient un coût élevé. Un tel rachat implique donc, sous réserve des vérifications incombant à la juridiction de renvoi, le remboursement des dettes représentées par les obligations en question.

40      De manière similaire, selon la juridiction de renvoi, l’achat, par EDP, des obligations émises par EDP Finance a été fait dans le but d’optimiser le portefeuille d’engagements d’EDP et d’accroître la maturité moyenne de sa dette en utilisant des liquidités disponibles afin de réduire le montant de la dette brute. Sous réserve des vérifications qu’il revient à la juridiction de renvoi d’effectuer, cette description de l’objet de l’opération en cause suggère qu’un tel achat d’obligations a entraîné l’extinction définitive de la dette que ces obligations représentaient et non pas simplement que la société ayant procédé à celui-ci est devenue créancière des dettes en question.

41      Par ailleurs, dès lors que l’application de l’article 5, paragraphe 2, sous a) et b), de la directive 2008/7 dépend du lien étroit des services d’intermédiation financière avec les opérations d’émission et de mise en circulation des titres concernés, il est indifférent, aux fins d’une telle application, qu’il ait été choisi de confier ces opérations de placement sur le marché à des entités tierces plutôt que de les effectuer directement (voir, en ce sens, arrêt du 22 décembre 2022, IM Gestão de Ativos e.a., C‑656/21, EU:C:2022:1024, point 34).

42      À cet égard, il convient de rappeler que, d’une part, cette disposition ne fait dépendre l’obligation des États membres d’exonérer les opérations de rassemblement de capitaux d’aucune condition tenant à la qualité de l’entité chargée de réaliser ces opérations. D’autre part, l’existence ou non d’une obligation légale d’engager les services d’un tiers n’est pas une condition pertinente lorsqu’il s’agit de déterminer si une opération doit être considérée comme faisant partie intégrante d’une opération globale au regard d’un rassemblement de capitaux (voir, en ce sens, arrêt du 22 décembre 2022, IM Gestão de Ativos e.a., C‑656/21, EU:C:2022:1024, point 35 et jurisprudence citée).

43      Eu égard aux considérations qui précèdent, il y a lieu de répondre aux questions posées que l’article 5, paragraphe 2, de la directive 2008/7 doit être interprété en ce sens qu’il s’oppose à une réglementation nationale qui prévoit l’imposition d’un droit de timbre sur la rémunération qu’une société de capitaux verse à plusieurs établissements bancaires auxquels elle a confié des services d’intermédiation financière aux fins, premièrement, de la publication d’offres de rachat ou d’achat d’obligations entraînant l’extinction définitive de la dette que ces obligations représentent, deuxièmement, du placement sur le marché et de la souscription de nouvelles obligations et, troisièmement, de la souscription de nouvelles actions en vue d’une augmentation de son capital social, indépendamment de la question de savoir si les sociétés émettrices des titres en question sont légalement obligées de recourir aux services d’un tiers ou ont choisi d’y recourir de leur plein gré.

 Sur les dépens

44      La procédure revêtant, à l’égard des parties au principal, le caractère d’un incident soulevé devant la juridiction de renvoi, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens. Les frais exposés pour soumettre des observations à la Cour, autres que ceux desdites parties, ne peuvent faire l’objet d’un remboursement.

Par ces motifs, la Cour (dixième chambre) dit pour droit :

L’article 5, paragraphe 2, de la directive 2008/7/CE du Conseil, du 12 février 2008, concernant les impôts indirects frappant les rassemblements de capitaux,

doit être interprété en ce sens que :

il s’oppose à une réglementation nationale qui prévoit l’imposition d’un droit de timbre sur la rémunération qu’une société de capitaux verse à plusieurs établissements bancaires auxquels elle a confié des services d’intermédiation financière aux fins, premièrement, de la publication d’offres de rachat ou d’achat d’obligations entraînant l’extinction définitive de la dette que ces obligations représentent, deuxièmement, du placement sur le marché et de la souscription de nouvelles obligations et, troisièmement, de la souscription de nouvelles actions en vue d’une augmentation de son capital social, indépendamment de la question de savoir si les sociétés émettrices des titres en question sont légalement obligées de recourir aux services d’un tiers ou ont choisi d’y recourir de leur plein gré.

Signatures


*      Langue de procédure : le portugais.

Top